Dix ans de révolution judiciaire


Mesdames, Messieurs,

Il y a bientôt dix ans débutait un cycle de réformes de l’institution judiciaire sans précédent dans l’histoire contemporaine.

À l’origine, le cri d’alarme qu’a constitué la célèbre tribune dite « des 3 000 », dont l’écho aura été aussi soudain qu’inattendu.

Le vaste mouvement civique qui s’en est suivi a fait connaître au plus grand nombre l’état de dénuement dans lequel se trouvait l’institution judiciaire et, par voie de conséquence, la mise en péril du droit des citoyennes et citoyens à une justice indépendante et accessible et, plus largement, au droit de toute personne à une véritable sûreté.

Dans son sillage, rompant avec des décennies d’instabilité législative et d’amoindrissement des droits des justiciables, c’est un véritable processus de reconstruction d’une Justice digne d’une grande démocratie qui a alors été initié....

Un processus dont la grande majorité des observateurs saluent aujourd’hui le caractère rigoureux et méthodique .

D’abord parce que, laissant le temps à la réflexion, il s’est fondé sur une approche pragmatique et empirique, instruite des enseignements des sciences sociales, à mille lieux de la législation brouillonne et épidermique qui prévalait jusqu’alors.

Quand la plupart des réformes mises en place au cours des précédentes décennies avaient pour point de départ un fait divers, c’est sur une analyse minutieuse de l’état des lieux de l’institution, du besoin de justice des populations, mais aussi sur une réflexion approfondie concernant le sens de la fonction juridictionnelle dans une société démocratique, que s’est fondée la démarche dont vous avez aujourd’hui à juger du résultat.

Mais la révolution judiciaire qui est en train de s’opérer doit également son succès au fait que l’ensemble des parties prenantes (professionnel·le·s, justiciables, citoyen·ne·s, scientifiques) ont été associées à son élaboration, rompant, là aussi, avec la pratique technocratique et opaque qui prévalait auparavant.

Il est désormais temps de tirer un premier bilan de l’ensemble des réformes entreprises. D’un point de vue général, avant d’entrer dans le détail de chacune d’entre elles, deux constats s’imposent. D’une part, après des décennies de condamnations et de rappels à l’ordre, ces réformes ont enfin permis de mettre notre système juridique en conformité avec les exigences européennes qui s’imposent à nous en matière de préservation des droits et libertés. D’autre part, en renforçant effectivement l'accès du plus grand nombre à la protection de la loi, elles ont contribué – avec d’autres politiques publiques – au reflux significatif de la violence des rapports sociaux.

Mais pour évaluer plus précisément les mérites des transformations réalisées, il convient de les confronter aux objectifs qui, dès l’origine, leur ont été assignés par votre assemblée : rendre l’ensemble des citoyen.ne.s de ce pays véritablement libres et égaux devant la loi. Ou, pour mieux dire, libres, parce que pleinement égaux, d’exercer la plénitude de leurs droits en toutes circonstances.

Bien sûr, la situation présente est loin d’être parfaite et de nombreux progrès restent encore à accomplir. Néanmoins, on se doit d’observer qu’en dix ans, l’institution judiciaire a indéniablement été renforcée dans sa capacité à faire de l’État de droit démocratique une réalité concrète et universelle. Ainsi la justice apparaît-elle aujourd’hui non seulement comme un instrument privilégié de notre liberté en société, mais aussi comme l’un des ferments de l’égalité réelle entre citoyen·ne·s.